Satiété d’un monde post-pandémique I

Il reste de la pandémie
Le souvenir de ces silences
Délicieux au-delà de la mort
Qui vibrent – un lointain assemblé
Sous la fenêtre –, la maladie
Qui cesse de devenir une histoire
Pour soi, un assemblement
Du silence de toutes les espérances
De la ville, la ville devenue
Plaine, plaine de partage d’une mi-

août
Parisienne.

L’écritoire

Épiderme de terre sur fenêtre gondolée,
ventres verts jaillissants quand
je m’enfonce dans le coin ;
l’œil ruine le paysage selon.

L’angle – c’est la part de nous qui s’étale
depuis l’enclos si chaud du désir.

Si le vent si imparfait surmontait
les obstacles, un prodige de la taille
d’une carcasse de bateau nous
construirait un corps animal

pendant que trains samovars
et pins et fenêtres guillotines
culbutent dans ma bouche,

écoutent la cloche du temps vers/
à bord du train bringuebalant,
Insistant calomniant

L’espèce chair en voie de disparition.  

C’est pourquoi d’un Livre des Merveilles,
de Qazwini à Bouvier, l’espace
nous défait/refait sans

jamais dire ce que la peau en voie
d’abrasion – polir La Phrase – réclame :
sa part de chair en marche,

de la peau contre peau – espace

Méritoire.

Poème écrit à la suite d’une visite de la collection du musée du quai Branly (août 2023).

Atelier d’écriture avec Monet, Virginia Woolf et l’œil de la poule

 
  • Deux fois, l’envie tenace de m’y promener, et deux fois j’ai dû rebrousser chemin. Trop de jambes qui se pressent, un attroupement inimaginable, l’enivrement espéré avorté devant cette masse d’yeux impassibles qui ne voient rien puisqu’il est impossible de voir dans ces conditions, un manche extensible à la main, l’un derrière l’autre, chacun cochant la case « vu ». 
 
Si je vais au jardin Monet, il faut que ce soit comme quand je lis un livre : je ne dois pas en ressortir indemne ni ornée d’une guirlande factice. 
 

En coulisses d’Evguéni Zamiatine traduit du russe par Sophie Benech (Editions Interférences)


Voici un petit traité qui porte bien son nom et vous mène visiter les coulisses du cerveau de l’écrivain, ou disons d’un écrivain, Evguéni Zamiatine, avec certainement une bonne dose de bon sens, mais aussi de précautions et de remarques indispensables pour se lancer dans cette aventure fort passionnante. Car quand on écrit, c’est « Comme dans les rêves, il suffit de se dire que l’on est en train de rêver, il suffit d’enclencher sa conscience, pour que le rêve disparaisse. »

Ecrire s’apparente à un acte d’amour, je ne vous apprendrai rien. Et il faut bien des précautions pour ne pas profaner une relation d‘amour. Zamiatine de poursuivre lors d’une conférence retranscrite page 43 « Si je vous promettais sérieusement que je vais vous apprendre à écrire des romans et des nouvelles, ce serait aussi aberrant que si je vous promettais de vous enseigner l’art d’aimer, de tomber amoureux car cela aussi, c’est un art, et pour cela aussi il faut avoir du talent. Ce n’est pas un hasard si j’ai pris cette comparaison : pour un artiste, créer un personnage quel qu’il soit c’est en être amoureux. »  
Ne nous attardons pas sur les nombreuses références au lien affectif qu’entretient l’écrivain avec ses personnages. Ce qui est intéressant, c’est que quand Zamiatine parle de création, il parle de cette lumière qui s’allume quand l’esprit se détache suffisamment  pour que le cerveau ne réponde plus à la conscience, sans pour autant qu’il soit endormi. Il est alors guidé par une lumière bleue – allégorie lumineuse – et poursuit son chemin avec une suite d’associations, libère ainsi une histoire hors du corps conscient. Naît alors une fiction qui s’échappe du corps conscient. Continuer la lecture de « En coulisses d’Evguéni Zamiatine traduit du russe par Sophie Benech (Editions Interférences) »

L’écriture, la musique, le son juste

La question de l’écriture juste est une question qui me taraude. Je me pose sans cesse la question suivante : comment arriver à un texte qui sonne juste.

Au moment de l’écriture, il y a un transfert qui se met en place d’un monde où l’on est à la fois à l’écoute de ses sensations et réceptif aux sensations des autres, à un monde où l’on écoute exclusivement ses propres sensations. Le monde habituel disparait et un nouveau monde se met en place. Cet autre monde est constitué de figures imaginées, fantasmatiques, de personnages reconstitués, de personnes disparues qui nous ont marqués.

Cet autre monde peuplé de personnages entre alors en résonance avec son propre état, sa propre humeur. Cette résonance engendre un état émotionnel, comme une suite d’accords harmoniques en musique, un état de joie, de transe, d’émotions vives que produit une musique. Douce, dissonante, tourmentée, coulante, effrontée. Il me semble que ce cheminement donne naissance à une musique, et que la vérité du texte est là. C’est à partir de là que l’écriture produit un texte qui sonne juste. Et je le vois dans le résultat de mon écriture. Je discerne l’écriture la plus juste de l’écriture plus distante en fonction de l’intensité de la résonance. Continuer la lecture de « L’écriture, la musique, le son juste »