Martin Eden de Jack London traduit par Francis Kerline (Editions Libretto)

Aussitôt ce livre refermé, j’ai voulu écrire un billet, vous informer de son contenu, et j’ai vu d’immenses étendues de mer, de grands navires et leurs intérieurs boisés, des bras vigoureux qui plaquent une carte, décident d’une trajectoire, leurs discussions houleuses, instruments de cuivre et d’acier – mais n’est-ce pas grâce à son bon sens que Martin Eden, la tête bien faite, mène son bateau ? J’étais envahie par un parfum de vent de mer. Et surtout un immense sentiment de liberté.

Mais en réalité l’essentiel de ce livre, l’essentiel des scènes de ce livre tient dans un salon. Bourgeois. Ou alors dans une pièce miteuse qu’occupe notre protagoniste chez sa sœur. Quelques rares fois sur un carré d’herbe où Martin Eden converse avec La Femme, celle qui lui donne envie de s’élever.

D’où vient alors cette impression ? Il y a bien quelques voyages en mer évoqués, mais ce n’est pas là l’essentiel du propos. Et c’est précisément en refermant ce livre que l’on comprend que l’écriture est un rapport à la vie. Continuer la lecture de « Martin Eden de Jack London traduit par Francis Kerline (Editions Libretto) »

Le Singe, l’Idiot et Autres Gens de W. C. Morrow (Editions Libretto)

Dans « le combat avec le démon », paru en France en 1928, Stefan Zweig écrivait dans son introduction que « Le démon, c’est le ferment qui met nos âmes en effervescence, qui nous invite aux expériences dangereuses, à tous les excès, à toutes les extases. Chez la plupart des individus, cependant, chez les natures moyennes, cette partie à la fois précieuse et dangereuse de l’âme ne tarde pas à se résorber et à disparaître ; ce n’est qu’en de rares moments, dans les crises de la puberté, dans les instants où l’amour ou le désir sexuel agitent le cosmos intérieur de l’homme, que cette volonté de sortir de soi, cette exaltation, ce manque de contrôle vont jusqu’à s’affirmer dans la banale existence bourgeoise. En temps ordinaire les hommes mesurés étouffent en eux cette poussée faustienne, le travail la calme, l’ordre la réfrène, la morale la chloroforme : le bourgeois est toujours l’ennemi juré du désordre, non seulement dans le monde, mais aussi en lui-même. Chez l’homme supérieur, surtout chez celui qui crée, l’inquiétude féconde persiste, elle exprime son insatisfaction des œuvres du jour, elle lui donne « ce cœur élevé qui se tourmente » dont parle Dostoïevski. Continuer la lecture de « Le Singe, l’Idiot et Autres Gens de W. C. Morrow (Editions Libretto) »